Née au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la Fédération internationale syndicale de l'enseignement (FISE) est créée en juillet 1946 à Paris, lors d'une conférence internationale d'enseignants organisée conjointement par la Fédération de l'Enseignement de France, la Fédération syndicale mondiale (FSM), le Secrétariat professionnel international de l'enseignement (SPIE), l'Internationale des travailleurs de l'enseignement (ITE) et la Confédération Américaine des maîtres (CAM). L'histoire de la FISE est intimement liée à celle de la FSM. L'idée initiale de cette rencontre consistait à transformer les anciennes internationales syndicales de l'enseignement d'avant-guerre, notamment le SPIE, l'ITE et la CAM, en un organisme exécutif du Département professionnel de l'enseignement de la FSM. De 1949 à 1966, la FISE est ainsi le Département professionnel international de l'enseignement (DPIE) de la FSM. En 1967, elle cesse de l'être[1].
À l'issue de la conférence de Paris, est créée une commission préparatoire internationale de l'enseignement, organisme provisoire dont la secrétaire générale est Marie-Louise Cavalier, secrétaire de la Fédération Française de l'Enseignement. La FSM, fondée un an avant la FISE, n'avait pas défini le statut des départements professionnels (DP). En l'absence d'un règlement général des DP, les syndicats de l'enseignement de l'Union soviétique ne participent pas à la réunion de Paris, mais ils sont représentés par un délégué lors de la deuxième conférence de Bruxelles en 1947. En 1949, la FISE devient officiellement le Département professionnel de l'enseignement de la FSM. Henri Wallon (1879-1962)[2], médecin et professeur au Collège de France, est désigné Président de la FISE et Paul Delanoue, secrétaire général[3]. Elle publie le premier numéro de son Bulletin international de l'enseignement en décembre 1949, traduit en quatre langues : français, russe, anglais, espagnol.
La recomposition complexe du mouvement syndical international d'après-guerre s'effectue dans un climat de guerre froide et de course aux armes nucléaires.
En 1946, à Endicott (États-Unis), la National education association (NEA) crée une internationale de l'enseignement, la World organisation of teaching profession (WOTP). Le plan Marshall, avec son programme d'aide au développement des pays européens détruits par la guerre, divise les organisations syndicales internationales. Les organisations syndicales anglo-américaines et scandinaves, favorables au plan, quittent la FSM en décembre 1949 pour constituer la Confédération internationale des syndicats libres (CISL).
Par ailleurs, la FISE s'engage dans une coopération professionnelle avec des organisations syndicales internationales de l'enseignement fondées avant la Première Guerre mondiale. Elle devient membre d'un Comité d'entente, créé en novembre 1948, qui réunit la Fédération internationale des professeurs de l'enseignement secondaire (FIPESO, fondée en 1912), la Fédération internationale des associations d'instituteurs (FIAI, fondée en 1926) et, à titre d'observateur, la WOTP)[4]. La WOTP cesse sa coopération en 1952 et lui succède le Secrétariat professionnel international des enseignants (SPIE). En août 1954, à Moscou, le Comité d'entente vote la constitution d'une Charte des éducateurs à valeur universelle[5] garantissant la liberté d'opinion, l'amélioration de l'instruction et le développement de relations pacifiques entre les peuples. Cette charte servira d'exemple à la Recommandation de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO-OIT) de 1966 sur la condition du personnel enseignant. Le Comité d'entente cesse ses activités fin avril 1960[6].
Les premières préoccupations de la FISE portent sur la reconstruction des liens avec l'Allemagne et l'Europe. Plusieurs thématiques sont employées pour mobiliser les militants enseignants qui ont vécu le fascisme. Elle mène une campagne de sensibilisation pour la rééducation de la jeunesse allemande, l'apprentissage de la paix et l'appel au désarmement des pays possédant l'arme nucléaire. En 1949 est organisée une visite en Italie pour deux groupes d'enseignants français. En 1950, une caravane de la paix accompagnée de 180 instituteurs et professeurs français sillonne la Scandinavie. En 1951, une caravane internationale de la paix et de l'éducation pacifique traverse l'Europe durant vingt-sept jours. Son objectif était de créer la rencontre des enseignants d'Europe occidentale au festival de la jeunesse à Berlin.
Plus tard, la FISE recentre son activité sur la coopération et les échanges d'expériences entre les organisations syndicales internationales de l'enseignement quelle que soit leur appartenance politique. Par sa démarche mondialiste, elle vise l'internationalisation des problèmes liés à l'enseignement et aux conditions de travail des enseignants. Elle organise une coopération étroite avec des organisations internationales non gouvernementales, notamment l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), le Bureau international du travail (BIT), l'Organisation internationale du travail (OIT). Ses thèmes fédérateurs sont la scolarisation gratuite des enfants, la lutte contre l'analphabétisme dans les pays en voie de développement, sous domination coloniale ou nouvellement indépendants. En septembre 1987, la FISE reçoit le diplôme de Messager de la paix par l'Organisation des Nations Unies (ONU) en reconnaissance de son action déployée au cours de l'Année Internationale de la paix de 1986.
Au cours de son histoire, la FISE va connaître des déménagements répétés. Pendant les années de la guerre froide, c'est sous la contrainte qu'elle change de lieu de résidence. De 1946 à 1952, elle siège à Paris d'où elle est expulsée par le gouvernement français[7]. Elle trouve un refuge temporaire à Vienne (Autriche) jusqu'en 1956. De nouveau expulsée par les autorités autrichiennes et ses archives confisquées, elle émigre à Prague (Tchécoslovaquie)[8]. Elle y passe vingt ans, puis son siège est transféré à Berlin Est à partir du 1er juillet 1977[9]. Le 1er mars 1991, elle s'installe en Île-de-France, à Saint-Denis[10]. Actuellement son siège se trouve à Hyderabad (Inde).
Notes :
[1] Cf. Revue internationale des enseignants, n° 4, 1967, p. 3.
[2] Cf. Revue internationale des enseignants, n° 1, 1963.
[3] Paul Delanoue (1908-1983), secrétaire de la Fédération de l'Éducation nationale (FEN) en France, secrétaire général de la FISE de 1949 à 1961.
[4] Bulletin international de l'enseignement, n° 3, p. 47, mai 1950.
[5] Cf. Bulletin d'information, janvier 1955, p. 5. Enseignants du monde, n° 13, octobre-novembre 1954, p. 3, pp. 19-24.
[6] Cf. Supplément au Bulletin d'information, juillet 1960.
[7] Cf. Enseignants du monde, journal n° 3, avril 1952, p. 3. Revue internationale des enseignants, n° 2, p. 1, 1982.
[8] Cf. La notice historique de Daniel Retureau, secrétaire général de la FISE, p. 4, 101J/758.
[9] Cf. Revue internationale des enseignants, n° 2, p. 2, 1977.
[10] Cf. Bulletin d'information FISE-INFOS, 7/1990, p. 5.