Les archives des élus CGT au comité d'entreprise de Rateau La Courneuve couvrent un siècle d'histoire de la société Rateau et de ses salariés. Il s'agit d'une entreprise à caractère national qui a contribué au développement de l'aviation et de la marine nationale au début du vingtième siècle.
Auguste Camille-Edmond Rateau, né à Royan le 13 octobre 1863 et mort à Neuilly-sur-Seine le 13 janvier 1930, est un ingénieur français spécialiste des turbines. En 1904, Rateau fonde sa société de construction mécanique. Constructeur et chef d'entreprise, il est l'inventeur de machines centrifuges : pompes, ventilateurs et compresseurs. Ses premiers ateliers spécialisés dans la mécanique et la chaudronnerie sont établis au Pré-Saint-Gervais. En 1917, il construit l'usine de La Courneuve au lieu dit « La logette », chemin de Drancy qui deviendra en 1931 la rue Rateau. Une de ses plus grandes inventions est le turbocompresseur pour les moteurs d'avion. Le premier exemplaire fut réalisé sur un avion de reconnaissance, le Bréguet XIV, en vue de la défense nationale durant la Première Guerre mondiale.
Pendant les décennies d'après guerre, l'entreprise entre dans une phase de plein essor. Grâce à ses choix de productions, elle occupe en France une place de premier plan. En développant ses activités dans la robinetterie industrielle, elle devient le fournisseur principal de la marine nationale. Le programme naval de 1922 lui apporte d'importantes commandes jusqu'en 1930. En 1929, la performance en vol des compresseurs d'aviation Rateau permet de réaliser le record du monde d'altitude avec 500 kg. et 1000 kg. de charge.
L'entreprise employait des hommes et des femmes des ouvrier-ère-s spécialisé-e-s qui réalisaient un travail de précision dans des conditions très difficiles. Dans les années 1920, le travail était à la chaîne. Les équipes d'ouvrier-ère-s travaillaient en alternances 12 heures de jour et de nuit. En 1932, la direction ouvre une école d'apprentissage et forme des ouvriers mécaniciens dans des professions différentes : ajusteur, tourneur, fraiseur, modeleur, fondeur, dessinateur pour répondre aux nécessités de l'entreprise. Cette école devient une référence dans la formation professionnelle en région parisienne.
Entre 1929 et 1932, l'entreprise est frappée par la crise boursière qui bouleversa l'ordre économique mondial. Ses capacités réduites, elle licencie plus de la moitié de son personnel et diminue les salaires. Les luttes revendicatives se développent depuis le début des années 1930. Avec le Front populaire, les grèves s'organisent à l'intérieur de l'usine pour la défense de l'emploi, la liberté d'opinion et la solidarité avec les licenciés. Le Parti communiste français est solidement implanté dans la région. Le syndicalisme CGT est très actif parmi les ouvriers Rateau.
En 1936, la coalition des partis de gauche au pouvoir aboutit aux « accords Matignon ». C'est un progrès pour les salariés qui se traduit par une augmentation des salaires, l'établissement des conventions collectives et la reconnaissance des libertés syndicales. La loi sur les quarante heures de travail est votée et les ouvriers obtiennent deux semaines de congés payés.
Mais la Seconde Guerre mondiale brise cet élan. L'usine est occupée par les Allemands. L'économie tourne au ralenti jusqu'à la fin de la guerre.
Le 28 mars 1946 les ouvriers élisent pour la première fois leurs représentants du personnel au sein du comité d'entreprise Rateau. Institué par l'ordonnance du 22 février 1945, complétée par la loi du 16 mai 1946, le comité d'entreprise devient obligatoire dans toute entreprise de cinquante salariés et plus. Cette institution détient des attributions à la fois sociales et économiques. Les élus au comité d'entreprise se réunissent tous les mois pour examiner les conditions de travail, de sécurité et de production. Ils gèrent les œuvres sociales. L'entreprise doit consulter son comité d'entreprise en matière de gestion de l'entreprise, de communication des documents remis aux actionnaires et avoir l'assistance d'un expert-comptable.
Les salariés sont désormais associés à la vie de l'entreprise par leurs représentants syndicaux au comité d'entreprise.
En 2004, la société Rateau La Courneuve cesse la fabrication des turbines. Mais en en 2006, elle est intégrée dans la société Alstom. Les locaux de La Courneuve sont toujours exploités par General electric (GE) Power Service pour des activités d'ingénierie électrique.
Source: "Rateau histoire d'une entreprise", par Hervé Delouche, Imprimerie L.N.I., Paris 1994.